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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 22:24


 

Doc 1 :

« Jusqu'en 1910 des conflits sociaux sporadiques apparaissent. Ils marquent l'insatisfaction des anciens esclaves face à le traitement de salariés qu'ils découvrent. C'est aussi la période où il y aura des manifestations pour protester face à l'afflux de mains d'œuvres étrangères, à bas prix, pour remplacer les esclaves dans les plantations. Ce sont des petites poussées de contestations très faiblement structurées. A partir de 1910 la Guadeloupe devient l'épicentre de la contestation sociale aux Antilles. A la différence de la Martinique l'Île est moins marquée par la présence de békés, descendants d'esclavagistes et détenteurs des richesses. En Guadeloupe l'abolition de l'esclavage s'accompagna d'une vindicte anti békés. Déjà chassés avant l'arrivée de Richepanse lors du rétablissement de l'esclavage, c'est de la Martinique qu'ils vont organiser avec un succès important un monopole économique de la Guadeloupe.
Février 1910 marque le début de luttes sociales profondes et de masse. Des ouvriers agricoles se mettent successivement en grève. Le 15 février une grève débute en Grande-Terre à l'usine de Darboussier. Après une répression qui aura fait 3 morts, les usiniers qui jusque là refusait la demande d'augmentation de prix de la tonne de canne qui leur était vendu donnent satisfaction aux ouvriers.»

Fabrice Desplan | Grèves en Guadeloupe, identité et religion. Acte 3. »

 

 

Doc 2

                                                                    




Au début du siècle dernier, l'industrie sucrière de l'archipel amorce son agonie. La couleur de la peau signe la classe sociale. Les jeunes intellectuels sont sensibles aux sirènes du socialisme. Le petit peuple noir, lui, se débrouille et ironise en chansons sur les nantis

Comme toujours, Jean-Joseph est debout bien avant 4 heures du matin. Une lampe à pétrole s'allume; son réveil anime bientôt la maisonnée. Dans la tiédeur de l'aube, il sort de sa case en bois et choisit quelques branches. Une fois qu'il aura allumé le feu, sa femme, Théodose, va faire bouillir de l'eau pour le café de la famille. Dans cette région des Grands-Fonds, à Sainte-Anne, comme ailleurs dans les campagnes, on se lève avant le chant du coq. Jean-Joseph cultive des légumes sur une parcelle de quelques ares. Son jardin l'occupe toute la journée. Avant de partir, il n'oublie pas d'emmener dans son katoutou (une sorte de gibecière) une fiole de rhum, de l'eau de coco dans une moitié de calebasse, ainsi que l'indispensable «coutelas» (machette). Le reste du repas sera trouvé sur place. Deux ou trois fois par semaine, Théodose va vendre ses légumes à Pointe-à-Pitre, la capitale économique. Aux premières heures de la matinée, la voilà partie, avec d'autres marchandes, toutes vêtues d'une longue robe de coton plissée, un lourd panier sur la tête protégée par un torchon enroulé. Ainsi chargées, elles parcourent à pied plusieurs kilomètres à travers bois pour atteindre le marché. Parfois, le transport se fait à dos d'âne ou en charrette à boeufs. …

Par L'Express, publié le 18/10/2001

 

Doc 3 :

Dans cette Guadeloupe du début des années 1900, l'archipel… poursuit sa mutation après un demi-siècle d'abolition de l'esclavage. Deux sociétés y cohabitent: l'une, bourgeoise, blanche, imitée jusque dans son comportement par les mulâtres; l'autre, ouvrière, pour l'essentiel descendante d'esclaves africains, héritière d'un passé encore douloureux. Ce nouvel ordre établit un lien assez clair entre hiérarchie sociale et couleur de peau. L'administration de la colonie est à la charge des métropolitains, à commencer par le gouverneur; l'industrie de la canne, du sucre et du rhum, entre les mains des Blancs créoles, les anciens maîtres békés. Les mulâtres contrôlent le commerce, les professions libérales, et certains font carrière dans la politique. 

La communauté noire, entre le travail aux champs, à l'usine ou sur le port, paraît la moins bien pourvue, tout en étant majoritaire. D'autant que, à activité égale, dans les champs de canne à sucre, les travailleurs noirs sont moins bien payés que les immigrants indiens, venus de Calcutta ou de Madras dès 1880. Il fallait bien pallier le manque de main-d'oeuvre à la suite de l'abolition de l'esclavage... Malgré une cohabitation quelquefois tendue, les arrivants finiront par se faire une place. 

La situation des descendants d'esclaves, dont s'indigne publiquement la jeune élite du pays, et leur aspiration à jouer un plus grand rôle dans la société guadeloupéenne vont permettre de véhiculer peu à peu les fondements d'une nouvelle doctrine: le socialisme. Dans une tribune enflammée du journal L'Emancipation, Hégésippe Légitimus, l'un de ses dirigeants, n'hésite pas à opposer les Noirs aux Blancs, surtout aux mulâtres, pour appuyer cette revendication. Cette initiative provoquera une vague de réprobation et contribuera plus tard à créer une rupture dans le mouvement.
Sans aller jusqu'à cette extrémité, les nombreux titres de la presse, essentiellement politique, mélangent allègrement le fait, l'injure, le mensonge ou la diffamation. Une opération commando au siège de la publication accusatrice y répond parfois. En 1906, à la mise à sac du Libéral, le journal du radical Achille René-Boisneuf, future figure dominante de l'île, riposte le pillage de La Vérité, du républicain Gerville-Réache. Nous sommes en pleine campagne électorale. Les scrutins de l'époque sont marqués par la violence, mais également par la fraude. Ni les socialistes, ni les radicaux, ni les républicains, qui constituent les principales forces politiques, ne sont exempts de reproches. 

La tension sociale qui règne pendant les premières années du siècle y est pour beaucoup. Les socialistes puis les radicaux ne ménagent pas leur soutien aux revendications salariales des ouvriers agricoles, aux petits planteurs, ou encore aux gabariers (marins) du port de Pointe-à-Pitre, qui assurent le débarquement des navires ancrés dans la rade. De petits conflits sans résultat pour les travailleurs et qui débouchent finalement sur une période de relatif calme social. Il est vrai que, face à eux, le patronat sucrier se veut inflexible, comme l'avait été Ernest Souques, patron de la plus importante usine (Darboussier, à Pointe-à-Pitre), avant que la crise ait raison de lui. 

L'Express, publié le 18/10/2001

 

Doc 4

Cette filière,(celle du sucre) qui emploie 40 000 personnes - un cinquième de la population de l'époque - connaît en effet un virage périlleux. La France métropolitaine fabriquant suffisamment de sucre de betterave, elle peut se passer de l'essentiel de la production coloniale. Une crise mondiale touche d'ailleurs cette denrée, et ce sont des sociétés métropolitaines qui prennent le contrôle du secteur. Elles tireront la plus grande partie de leurs bénéfices du rhum. Par ailleurs, peu à peu, la colonie s'installe dans un système de consommation et importe bien plus qu'elle ne produit. Un mouvement qui ne se démentira pas. 

Les nouveaux maîtres du sucre devront tout de même concéder quelques avantages en 1910, sous la pression des grévistes des habitations de Darboussier, puis de ceux d'autres communes. Le socialisme incarné par Légitimus, qui s'était opportunément placé aux côtés des possédants, vacille de manière décisive. Une aube politique nouvelle se lève et ouvre les portes aux futurs députés radicaux, Achille René-Boisneuf et Gratien Candace. 

 

L'Express, publié le 18/10/2001

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